Les abeilles et le miel – TES HOOPER -1976

réf. coop AB012

INTRODUCTION

Des gens de tous les milieux et de tous âges viennent souvent me voir pour me dire qu'ils désirent depuis longtemps élever des abeilles, me demandant si ceci est possible avec les moyens dont ils disposent L'abeille domestique exerce une véritable fascination. Ce merveilleux insecte vit en communautés qui comptent facilement 60.000 individus. sans avoir besoin comme nous d'assemblées ni de comités...

Il est possible d'élever des abeilles en tout lieu. Certains endroits présentent des inconvénients, alors que d'autres sont favorables à la récolte de miel. Bien sûr, il peut arriver que le fait d'installer des ruches dérange ceux qui nous entourent, mais le cas se présente rarement: la peur des abeilles est habituellement fondée non sur des faits, mais sur l'ignorance. Or, aucun problème ne se pose pour personne, du moment qu'on élève des abeilles de nature calme et qu'on leur dispense les soins voulus. Il n'est pas vrai qu'elles souffrent à proximité des villes (la Loi interdit en France d'avoir des ruches près des habitations et des voies de communications). En effet, elles trouvent partout de quoi subvenir largement à leurs besoins, ne serait-ce que sur les arbres des avenues, des parcs et des jardins qui entourent les bâtiments publics ou les maisons particulières; il arrive même qu'elles aient à leur disposition une plus grande quantité de fleurs qu'en pleine campagne au milieu d'immenses champs de céréales.

Celui qui désire pratiquer l'apiculture devra apprendre le métier avant d'acheter ses premiers essaims. J'ai tenté, dans cet ouvrage. d'expliquer aux débutants tout ce qu'ils doivent savoir avant de se lancer à l'aventure. Je n'ai pas voulu faire une étude exhaustive de l'abeille ni de l'apiculture: j'ai simplement tâché de communiquer les idées et l'expérience qui me sont venues à force de pratique, et que j'ai fait partager aux étudiants venus assister à mes cours en Angleterre, dans l'Essex.

Ces dernières années ont vu un regain d'intérêt pour l'élevage des abeilles. Beaucoup de gens s'intéressant à la question possèdent maintenant plus de quarante ruches, nombre qui permet d'envisager d'en tirer tout ou partie de ses revenus. C'est donc à eux que je m'adresse dans les chapitres qui suivent. Et si j'ai pu aplanir les difficultés de ceux qui me liront, je serai largement récompensé de ma peine.

Ce livre est divisé en quatre parties. La première traite de l'abeille domestique et de ses colonies. Je n'ai pas indiqué de références particulières en ce qui concerne les renseignements donnés, car je pense qu'un guide de ce genre gagne à exposer les questions sans solution de continuité. On trouvera cependant, page 260, une bibliographie des principaux ouvrages spécialisés en ce domaine.

La deuxième partie parle des ruches et de l'équipement nécessaire, ainsi que des techniques de l'apiculture. Celles-ci sont de la plus grande importance: il est indispensable que l'apiculteur connaisse la vie de la ruche, et qu'il considère sa tâche comme une contribution à cette vie. mais non comme un ensemble d'opérations ponctuelles effectuées au petit bonheur la chance. Il est possible de diviser le travail en fonction des besoins. Nous exposons en détail ce qu'il faut faire dans la troisième partie. Je suis persuadé que les débutants seront capables de suivre les instructions que je leur donne, et qu'ils pourront se tirer d'affaire en évitant les mécomptes. La quatrième partie, enfin, traite des fleurs visitées par les abeilles, ainsi que de la récolte, de la composition, de l'élaboration et de la préparation des produits apicoles en vue de la vente.

Dans cet ouvrage, je n'ai pas parlé de la pollinisation, ceci pour deux raisons. D'abord, le sujet était trop vaste et trop complexe pour être exposé de façon suffisamment complète dans le cadre d'un petit guide (on trouvera dans la bibliographie les titres de deux traités sur ce sujet). Il est certes facile de faire concourir les abeilles à la pollinisation, mais il est beaucoup plus difficile de le leur faire faire où et quand on le désire, ce qui demande une connaissance aussi poussée des plantes cultivées que de l'insecte. Ensuite, je suis certain que la production de miel, provenant de la récolte du nectar, doit être la principale préoccupation de ceux qui possèdent de grands ruchers (il n'est absolument pas question d'exercer l'apiculture en vue de la pollinisation, si l'on désire en tirer des bénéfices).

La production de miel peut sans aucun doute être développée en une large mesure. Il existe effectivement de vastes zones inexploitées, où le nectar des fleurs sauvages ou des plantes cultivées est perdu, alors qu'il ne demande qu'à être utilisé. La récolte du miel n'ôte en fin de compte que fort peu de chose à l'environnement, étant donné qu'il s'agit seulement d'exploiter la transformation en sucre de l'eau de pluie et du gaz carbonique de l'atmosphère par les végétaux.

Lorsqu'on est à même d'observer une colonie d'abeilles dans des conditions expérimentales, c'est-à-dire à travers une vitre, on est immédiatement frappé par son agitation incessante. On ne peut se douter à première vue que cette anarchie apparente soit si productive. Mais les observations effectuées par les savants et par les éleveurs sont venues apporter toute la lumière sur le fonctionnement des sociétés d'abeilles, faisant table rase des théories fantaisistes du passé. Ces dernières années, bien des choses ont été apprises sur les rapports des colonies d'abeilles avec leur milieu, et sur le comportement de leurs individus adultes, qui a toujours pour fin l'intérêt de la communauté. Il vient toujours un moment où la ruche semble prendre une décision qui s'imposait. Mais sait-on pourquoi les abeilles font naître de nouvelles reines? La colonie a une organisation telle qu'elle ne peut avoir normalement qu'une seule reine à sa tête. Or, qu'est-ce qui peut bien pousser une vieille reine, ou, après elle, l'une des jeunes, à sortir pour aller fonder une nouvelle communauté? Et quelles raisons font qu'une jeune reine prend la succession d'une ancienne pour diriger la société, ou au contraire que la jeune est tuée, la ruche continuant alors à marcher comme aupara-vant? Nous sommes dans l'ignorance de ce qui préside à un tel choix, quoique on ait émis bien des hypothèses à ce sujet. Certains savants pensent que les abeilles prennent des décisions raisonnées, et qu'elles sont capables de se livrer à des déductions, par exemple quand l'aspect des environs de la ruche est modifié à leur retour des champs. D'autres penchent pour des mécanismes plus directs de réponses à des stimuli, où aucun type de « pensée» n'est impliqué, et pour des modèles de com-portements mis en jeu afin de déclencher d'autres actions, sans qu'on sache bien si les différents éléments du comportement sont des causes ou des effets. Ces points de vue seront peut-être un jour confirmés, ou au contraire remis en cause, par les recherches et les observations.

La nécessité de comprendre l'organisation et les comportements d'une colonie d'abeilles est fort utile pour faire des prévisions, mais ce n'est rien moins qu'un exercice académique. Ceci est pourtant essentiel pour l'apiculteur, lorsqu'il doit prendre des décisions rapides. Je suis persuadé qu'il n'est pas possible de s'en tirer en agissant mécaniquement, sans comprendre les raisons profondes de ce qu'on doit faire.

Dans la première partie de ce guide, j'ai donc parlé de tout ce qui concerne la biologie de l'abeille domestique, et surtout de ce qui est essentiel pour la pratique. Les lecteurs et j'espère qu'ils seront nombreux qui seront plus particulièrement intéressés par l'histoire naturelle et l'organisation sociale de cet insecte, pourront utilement se reporter à la bibliographie, afin de consulter la littérature spécialisée.

Certains qui me liront seront déjà familiarisés avec certains aspects de l'apiculture: ils pourront alors trouver les renseignements qui les intéressent personnellement en consultant le sommaire de la page 15 et l'index en fin d'ouvrage. Je pense avoir fait le tour de la question pour les débutants, ce qui n'empêche pas que chaque chapitre forme un tout et peut être lu comme tel.