La cité merveilleuse – JEAN HURPIN – 1947

réf. coop AP006

Au seuil de cette étude sur un sujet aussi énigmatique que passionnant, aussi mystérieux que discutable pour bien des gens, avec un bagage de connaissances et de certitudes qui n'est à peu près rien auprès de tout ce que nous ignorons, il me paraît utile de prévenir le lecteur que je n'ai nullement la prétention d'écrire une histoire incontestable et définitive.

Mon ambition réside plus simplement dans la recherche, sinon de la Vérité absolue, difficilement accessible, du moins de sa sœur cadette, la vraisemblance, qui est sans doute la forme la plus modeste et la meilleure de la vérité. La raison et la science sont mes seuls guides. Me basant sur les quelques données scientifiques certaines que nous avons ac-quises, puis sur les observations et les études per-sonnelles que j'ai poursuivies patiemment et cons-ciencieusement depuis près de trente ans, je veux essayer d'expliquer logiquement et rationnellement les divers stades des transformations, des adapta-tions et des perfectionnements qui ont abouti, dans un espace de temps incalculable, à l'étonnante or- ganisation des colonies d'abeilles telles que nous les voyons aujourd'hui.

Si la science ne nous révèle pas totalement la vérité sur la nature des choses, il n'est rien d'autre qui puisse nous la faire connaître autant qu'elle. C'est la seule base sérieuse sur laquelle nous puissions nous appuyer.

L'évolution intellectuelle des hommes, depuis les premiers âges, même avant Aristote, avant Hérodote, avant Zoroastre, leur a permis de s'affranchir petit à petit des terreurs et des superstitions enfantées de l'ignorance primitive. Les progrès du cerveau humain, en se continuant à travers les siècles, ont abouti aux découvertes fameuses de Copernic, de Galilée, de Newton.

Enfin, les grands naturalistes, Lamarck, les Geoffroy-Saint-Hilaire, Darwin, en se penchant sur les restes fossiles de plantes et d'animaux conservés depuis des millénaires dans les profondeurs du sol, dans des terrains de formation très ancienne, en étudiant et en comparant les divers âges des mêmes espèces, ont établi de façon certaine les générations naturelles spontanées d'une foule d'êtres vivants, lesquels, par des transformations lentes et succesives sous les influences multiples des circonstances et des contingences, de sélection en sélection, de

perfectionnement en perfectionnement, ont donné naissance à la plupart des espèces végétales et animales actuellement existantes.

A mesure que les fables et les légendes primitives sur les origines des mondes s'effacent devant le double flambeau de la science et de la raison, une conception plus exacte des événements passés découvre un horizon nouveau aux esprits libérés, un horizon lumineux, qui guidera l'humanité, par d'incessants progrès, vers un monde meilleur, plus juste et plus fraternel. Mon modeste « essai sur l'histoire des multi-ples transformations des diverses variétés d'apides, et particulièrement des abeilles, ne sera qu'une toute petite contribution à l'œuvre immense de l'émanci-pation universelle, mais je serai heureux si j'ai pu attirer l'attention des hommes de mon temps sur l'évolution, l'organisation et la civilisation admira-bles des habitants de « La Cité Merveilleuse w.

Jean HURPIN, 1933.

Lexique des Livres de la Bibliothèque