Quand on parle de miel, on pense tout de suite aux fleurs, aux prairies ensoleillées et aux abeilles butinant de corolle en corolle. Pourtant, tous les miels ne viennent pas du nectar floral. Certains proviennent d’une source plus mystérieuse : le miellat. Dans mes ruches, perchées entre les sapins et les hêtres du Jura, c’est souvent ce miellat qui offre les miels les plus sombres et les plus surprenants.

D’où vient le miellat ?
Le miellat n’est pas un nectar produit par les fleurs, mais une substance sucrée sécrétée par des insectes, notamment les pucerons et les cochenilles. Ces petits piqueurs-suceurs se nourrissent de la sève des arbres, une sève riche en sucres mais pauvre en protéines. Pour compenser, ils en ingèrent d’énormes quantités et rejettent l’excédent sous forme de fines gouttelettes sucrées : c’est le miellat.
Ces gouttes se déposent sur les feuilles, les aiguilles et les branches. Si vous passez sous un sapin en été et sentez une sorte de film collant sur vos doigts, vous venez probablement de toucher du miellat. Les abeilles, toujours à l’affût d’une source de sucre, le repèrent très vite et le récoltent avec la même ardeur que le nectar des fleurs.
Les grandes miellées de la forêt
Dans le Jura, ce sont surtout les sapins, les épicéas et les chênes qui donnent du miellat. Le plus célèbre reste celui du sapin, à l’origine du fameux miel de sapin, un produit typique de nos montagnes. Les années à miellat ne sont pas garanties : tout dépend de la météo et des populations de pucerons. Un été chaud et sec, sans trop d’orages, favorise leur activité. À l’inverse, une pluie forte peut tout balayer en uelques heures.
C’est cette incertitude qui rend le miel de miellat si précieux. Certains étés, les cadres se remplissent de ce liquide ambré aux reflets sombres ; d’autres années, il n’y en a presque pas.
Un miel pas comme les autres
Une fois ramené à la ruche, le miellat est transformé par les abeilles. Elles y ajoutent leurs enzymes, réduisent son humidité et le stockent dans les alvéoles jusqu’à ce qu’il devienne miel. Le résultat est bien différent des miels floraux :
- Couleur : foncée, parfois presque noire, avec des reflets de cuivre ou de bronze.
- Goût : moins sucré, plus corsé, avec des notes boisées, maltées, voire caramélisées.
- Texture : plus épaisse, plus lente à cristalliser.
- Composition : plus riche en minéraux, en acides aminés et en antioxydants.
C’est un miel de caractère, que certains trouvent “trop fort”, mais que les amateurs adorent pour sa profondeur et sa longueur en bouche.
Un concentré de vitalité
Au-delà du goût, le miel de miellat est reconnu pour ses vertus nutritives. Sa teneur en oligo-éléments (potassium, magnésium, fer, zinc…) le rend idéal pour les sportifs ou les personnes fatiguées. Il contient aussi davantage de composés antioxydants que la plupart des miels de fleurs, ce qui en fait un excellent soutien pour les défenses naturelles.
Personnellement, j’en prends chaque matin une cuillère dans mon café noir ou sur une tartine. C’est un petit geste simple, mais je sens la différence : le miel de sapin donne un vrai coup de fouet, sans jamais cœurer.
Un cadeau rare de la nature
Ce que j’aime dans le miellat, c’est qu’il nous rappelle que tout, dans la nature, est lié : les arbres, les insectes et les abeilles travaillent ensemble sans le savoir. L’apiculteur, lui, ne fait qu’accompagner ce cycle fragile. Chaque pot de miel de miellat est le fruit d’un équilibre entre la forêt, le climat et la patience.
Alors, la prochaine fois que vous goûterez un miel sombre et boisé, pensez à tout ce qu’il renferme : la sève des arbres, le travail des pucerons, le vol des abeilles et un peu de la montagne jurassienne. Le miellat, c’est la forêt qui offre son sucre aux abeilles – et, à travers elles, à nous tous.
Par Antonin, apiculteur dans le Jura, fondateur d’apiculturepassion.com
